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Remboursement anticipé d’un crédit immobilier : précision de la CJCE



En Pologne, une consommatrice souscrit un crédit hypothécaire pour une durée de 360 mois. Lors de la signature du contrat, elle paie une commission incluse dans le coût total du prêt. Dix-neuf mois plus tard, elle rembourse l'intégralité du crédit et demande à la banque de lui rembourser la partie de la commission correspondant aux 341 mois restants. La banque refusant, elle porte l'affaire en justice.

Interrogée sur le sujet, la Cour de justice de l’Union européenne rappelle que les prêteurs de crédits immobiliers doivent fournir aux consommateurs des informations précontractuelles sur la répartition des frais, en précisant s'ils sont récurrents ou non. Si ces informations ne sont pas fournies, les frais doivent être considérés comme dépendant de la durée du contrat et peuvent donc être réduits en cas de remboursement anticipé. Le consommateur ne doit pas en effet être pénalisé par l'absence d'informations que le prêteur est tenu de fournir.

Dans ce cas précis, la banque n'a pas fourni à la consommatrice les informations nécessaires concernant la commission. Par conséquent, le juge national doit reconnaître que cette commission est également soumise au droit du consommateur à une réduction du coût total du crédit. Il lui appartient, dès lors, de décider de la méthode à utiliser, en veillant à assurer une protection élevée des consommateurs.

Cour de justice de l’Union européenne, 17 octobre 2024, affaire C-76/22




Preuve du défaut d’information du professionnel de santé



En 2012, un homme subit une arthroscopie de la hanche, opération au cours de laquelle survient une rupture d’une broche guide métallique, ultérieurement qualifiée d’aléa thérapeutique.

Deux ans plus tard, en raison de la persistance de douleurs importantes, le patient est une nouvelle fois opéré.

Invoquant le non-respect de recommandations de la Société française d’arthroscopie (SFA), il engage alors la responsabilité du chirurgien.

Le praticien se défend, faisant valoir que, même si ces recommandations n’étaient pas retranscrites dans le compte rendu opératoire, il les applique systématiquement. En vain.

Saisie du litige, la Cour de cassation rappelle le principe selon lequel si la charge de la preuve incombe au demandeur (le patient) en cas de faute reprochée au médecin, cette charge se trouve inversée lorsqu’il s’agit d’un défaut allégué d’information dans le dossier médical.

Or, force est de constater que, dans cette affaire, le chirurgien ne rapporte pas une telle preuve. Sa responsabilité est donc engagée.

Cour de cassation, 1ère chambre civile, 16 octobre 2024, pourvoi n° 22-23.433




Démarchage à domicile : le bon de commande doit être conforme !



A la suite d’un démarchage à domicile réalisé par un prestataire spécialisé dans la rénovation énergique, un couple conclut un contrat hors établissement portant sur la pose, la fourniture et l’installation d’une pompe à chaleur financée par un crédit souscrit le même jour auprès d’un établissement financier.

Par la suite, constatant des irrégularités dans le bon de commande de la pompe à chaleur, les intéressés assignent en justice le prestataire ainsi que l’établissement financier en annulation du contrat principal et du crédit affecté.

Ils finiront par avoir gain de cause.

Saisie du litige, la Cour de cassation rappelle en effet qu'un contrat de vente conclu hors établissement doit comporter, à peine de nullité, une mention relative à la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI du Code de la consommation.

Dès lors, doit être censurée la décision des juges qui, pour rejeter la demande d'annulation des contrats de vente et de crédit formée par les acquéreurs, énonce qu'il ne ressort pas des dispositions des articles R. 111-1 et R. 111-2 du Code de la consommation que le recours à une procédure extrajudiciaire de règlement des litiges et les modalités d'accès à celle-ci doivent figurer sur le bon de commande à peine de nullité.

Cour de cassation, 1ère chambre civile, 18 septembre 2024, pourvoi n° 22-19.583




Focus sur la présomption de responsabilité du garagiste



Un chauffeur de taxi, qui avait acquis un véhicule neuf pour son usage professionnel, en confie l’entretien à un garagiste. Après avoir constaté des dysfonctionnements répétés et persistants en dépit des réparations effectuées, le chauffeur assigne en justice le garagiste en responsabilité et indemnisation de ses préjudices matériels et moraux.

Mais les juges refusent de faire droit à ces demandes, retenant que le caractère fortuit des pannes, mis en lumière par les expertises, exclut toute faute de la part du garagiste. Force est en effet de constater qu’aucun élément du dossier ne démontre une faute particulière imputable avec certitude au garagiste.

Saisie du litige, la Cour de cassation censure toutefois cette décision. Il résulte des articles 1147, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1353 du Code civil que, si la responsabilité du garagiste au titre des prestations qui lui sont confiées n’est engagée qu’en cas de faute, dès lors que des désordres surviennent ou persistent après son intervention, l’existence d’une faute et celle d’un lien causal entre la faute et ces désordres sont présumées.

Cour de cassation, 1ère chambre civile, 16 octobre 2024, pourvoi n° 23-11.712




Spoofing téléphonique et responsabilité du banquier



Par téléphone, le client d’une banque est contacté par une personne se faisant passer pour un conseiller de l’établissement. Il lui est alors demandé d’ajouter, grâce à ses données personnelles de sécurité, cinq personnes sur la liste des bénéficiaires de virements.

Ayant par la suite constaté plusieurs virements frauduleux, ce client alerte sa banque puis l’assigne devant les tribunaux en remboursement des sommes virées frauduleusement.

La banque se défend, rejetant la responsabilité sur son client qui, selon elle, a commis une grave négligence. En vain.

Saisie du litige, la Cour de cassation approuve la décision des juges qui, après avoir exactement énoncé qu'il incombe au prestataire de services de paiement de rapporter la preuve d'une négligence grave de son client, avaient constaté que le numéro d'appel apparaissant sur le téléphone portable du client s'était affiché comme étant celui de sa conseillère.

Il ne peut donc être reproché à ce client une négligence grave dès lors qu’il croyait légitimement être en relation avec une salariée de la banque.

Cour de cassation, chambre commerciale, 23 octobre 2024, pourvoi n° 23-16.267




Nouveau référentiel pour l'indemnisation des préjudices corporels



Le 3 octobre 2024, le Barreau de Paris a publié le référentiel indicatif de l’indemnisation du préjudice corporel des Cours d’appel.

Ce guide méthodologique est destiné à harmoniser l’indemnisation des préjudices corporels.

Il s’adresse principalement aux magistrats spécialisés dans ce domaine et vise à fournir des références communes, notamment en matière de barème de capitalisation et de jurisprudence.

Le référentiel offre des outils pratiques pour évaluer les préjudices, tout en laissant une marge d’appréciation aux juges.

Les préjudices considérés couvrent tant les aspects patrimoniaux (pertes de revenus, dépenses médicales) que les aspect extrapatrimoniaux (souffrances endurées, préjudice esthétique).

Ce document actualise les barèmes de capitalisation utilisés pour calculés les préjudices futurs, en tenant compte des taux d’intérêts et de l’espérance de vie des victimes.

Ce guide vise également à clarifier les recours des tiers payeurs, les spécificités de l’action civile devant les juridictions pénales et les questions de prescription et de consolidation.

Bon à savoir : L’attention des avocats est toutefois attirée sur la nécessité de procéder pour chaque dossier à une évaluation individualisée, au besoin en s’écartant du référentiel, afin d’éviter tout risque de barémisation des indemnisations.

Référentiel indicatif de l’indemnisation du préjudice corporel des cours d’appel, septembre 2024




Infection nosocomiale : vers une conception large du lien de causalité entre l’infection et la prise en charge



En matière de dommage médical, la notion d’infection nosocomiale est centrale, car sa caractérisation déclenche l’application d’un régime d’indemnisation très favorable aux victimes. Sur ce point, la Cour de cassation fait preuve d’une grande souplesse et considère comme nosocomiale une infection en lien avec la prise en charge.

Dans cette affaire, un patient avait été pris en charge dans un établissement de soins pour le traitement d’une leucémie. Six mois plus tard, il avait subi une allogreffe de moelle osseuse et avait ensuite présenté une maladie du greffon contre l’hôte. Afin de traiter cette maladie, le patient avait alors reçu de fortes doses de corticoïdes, qui ont renforcé son immunodépression. A la suite de nombreux épisodes infectieux, le patient était décédé.

Les proches du défunt avaient alors assigné en responsabilité et indemnisation l’établissement de soins, son assureur et l’ONIAM.

Mais les juges ont rejeté leurs demandes relatives au caractère nosocomial des infections, estimant que les infections avaient été causées par des bactéries dont le patient était porteur, et n’étaient donc pas de lien avec sa prise en charge.

Saisies du litige, la Cour de cassation censure cette décision, jugeant que « l’infection causée par la survenue d’une affection iatrogène présente un caractère nosocomial comme demeurant liée à la prise en charge ».

Ainsi, la Haute juridiction considère qu’une infection elle-même causée par les effets secondaires indésirables d’un traitement administré à un patient a un lien avec la prise en charge et, à ce titre, présente un caractère nosocomial. Dans ce contexte, la notion d’infection nosocomiale n’est exclue que si l’infection a une cause strictement étrangère à la prise en charge.

Cour de cassation, 1ère chambre civile, 4 septembre 2024, pourvoi n° 23-14.684




De la responsabilité de l’agence de tourisme



Une société de tourisme vend à un couple un projet de voyage sur mesure, au prix de 19.300 €, passant par les Etats-Unis. Mais le couple n’a finalement pas pu réaliser ce voyage, faute de disposer d’un temps suffisant pour obtenir un visa avant la date de leur départ, la demande d’autorisation de voyage aux Etats-Unis d’Amérique (Esta) leur ayant été refusée au motif qu’ils devaient obtenir un visa en raison de la mention, sur leur passeport, d’un voyage en Iran.

Les intéressés ont alors assigné devant la justice la société de tourisme en indemnisation de leur préjudice.

Saisie du litige, la Cour de cassation rappelle, aux termes de l’article 1112-1 du Code civil, que celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.

Ainsi, la prestation, ayant été spécialement conçue pour le couple par la société avec une date de départ prévue seulement seize jours après l’émission de l’offre de contrat, il appartenait à cette société, qui connaissait les restrictions à l’entrée sur le sol américain, de vérifier si les passeports de chacun des époux ne comportaient pas des mentions nécessitant l’obtention d’un visa et de les informer de la spécificité de leur situation ainsi que des délais requis pour faire les démarches en vue d’obtenir ce visa.

Il en résulte qu’en ne les alertant pas sur les risques de ne pas obtenir les documents administratifs leur permettant d’entrer aux Etats-Unis d’Amérique en raison de la date rapprochée du départ envisagé, ce qui constituait une information dont l’importance était déterminante pour leur consentement, la société de tourisme a commis une faute engageant sa responsabilité.

Cour de cassation, 1ère chambre civile, 25 septembre 2024, pourvoi n° 23-10.560




Contrat d’architecte et clause de saisine d’un expert



Une société (le maître de l’ouvrage) fait construire un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes et, pour ce faire, confie la maîtrise d'œuvre des travaux à un groupement dont fait partie une société d’architectes. Le contrat prévoit que « les parties s’engagent à solliciter les avis d’un expert choisi d’un commun accord, avant toute action en justice ».

Un litige naît entre les parties et un expert est désigné.

Sans attendre que l’expert rende son avis, la société d’architectes assigne devant la justice le maître de l’ouvrage en paiement de ses honoraires. Son action est déclarée irrecevable car la clause du contrat n’a pas été respectée.

Saisie du litige, la Cour de cassation confirme cette décision. D’une part, le défaut de mise en œuvre de la clause constituait une fin de non-recevoir et, d’autre part, les termes employés devaient être interprétés comme la volonté des parties d’obtenir cet avis avant toute procédure judiciaire, sauf à priver cette clause de toute portée.

Cour de cassation, 3ème chambre civile, 6 juin 2024, pourvoi n° 22-24.784




Réparation du préjudice d’anxiété du salarié exposé à l’amiante



La Cour de cassation est venue apporter le 4 septembre dernier de nouvelles précisions en matière de réparation du préjudice du salarié exposé à l’amiante ou à toute autre substance toxique ou nocive.

La Haute juridiction rappelle ainsi qu’en application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante ou à une autre substance toxique ou nocive, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité.

Elle juge toutefois juge que l’attestation d’exposition aux produits chimiques cancérogènes ne démontre pas à elle seule une exposition générant un risque élevé de développer une pathologie grave susceptible de caractériser un préjudice d’anxiété.

Elle approuve ainsi la décision de la Cour d’appel pour qui les éléments produits par le salarié n’étaient pas de nature à établir pour l’ensemble des postes occupés pendant la durée de l’activité professionnelle, soit une exposition aux substances, soit une exposition suffisamment significative pour entraîner un risque de maladie grave.

Cour de cassation, chambre sociale, 4 septembre 2024, pourvoi n° 22-20.917




Catastrophe naturelle et indemnisation : quel délai pour agir ?



Peu après avoir acquis une maison, un couple découvre l’existence de microfissures. Il assigne alors devant les tribunaux l’assureur du vendeur en référé́ expertise. Cette procédure permet d’établir que les désordres ont pour origine un épisode de sécheresse antérieur à la vente.

Dès lors, pour les juges, l’action contre l’assureur est prescrite. Au visa de l’article L.114-1 du Code des assurances, ils considèrent en effet que la prescription biennale avait commencé́ à courir à la date de publication de l’état de catastrophe naturelle.

Saisie du litige, la Cour de cassation censure cette décision. Si le point de départ de la prescription de l'action en indemnisation des conséquences dommageables d'un sinistre de catastrophe naturelle se situe à la date de publication de l'arrêté́, elle rappelle toutefois que ce point de départ peut être reporté au-delà̀ si l'assuré n'a eu connaissance des dommages causés à son bien par ce sinistre qu'après cette publication.

Cour de cassation, 2ème chambre civile, 11 juillet 2024, pourvoi n° 22-21.366




Accident de la circulation mortel : quid de l’indemnisation du préjudice économique ?



Le juge pénal n’a pas à tenir compte, pour le calcul de l’indemnisation de la victime, des dispositions fiscales éventuellement applicables.

Tel est le rappel que vient d’effectuer la Cour de cassation.

Dans cette affaire, une femme, qui s’occupait en journée de son petit-fils, était décédée après avoir été heurtée par une voiture.

Poursuivie en justice, la conductrice du véhicule avait été déclarée coupable d’homicide involontaire et avait été condamnée à payer aux ayants droits de la victime (les héritiers) la somme de 77 079,28 € en réparation de leur préjudice économique. Du fait du décès de la victime, ces derniers avaient en effet été contraints de trouver en urgence un autre mode de garde (cette fois-ci payant) pour leur enfant.

Cherchant à diminuer le montant de cette indemnisation, la conductrice avait alors contesté le mode de calcul retenu, faisant valoir qu'il convenait de prendre en compte les avantages fiscaux et réductions d'impôts dont les ayants-droits pouvaient bénéficier en recourant aux services payant d'un tiers. En vain.

Saisie du litige, la Cour de cassation juge qu'il résulte du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime que les dispositions fiscales sont sans incidence sur les obligations des personnes responsables du dommage et sur le calcul de l'indemnisation de la victime.

Cour de cassation, chambre criminelle, 3 septembre 2024, pourvoi n° 23-81.319




Encadrement des loyers : dispositif reconduit jusqu’en juillet 2025



Les mesures tendant à limiter la hausse des loyers d’habitation dans certaines communes où s’applique la taxe sur les logements vacants sont reconduites pour un an.

Il s’agit des communes appartenant à une zone d'urbanisation continue de plus de 50 000 habitants où il existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements dont la liste est fixée par décret.

La limitation s’applique aux relocations avec changement de locataires et aux renouvellements des baux intervenant entre le 1er août 2024 et le 31 juillet 2025. Elle concerne les locations vides et les locations meublées à usage de résidence principale.

Décret n° 2024-854 du 24 juillet 2024




Promesse unilatérale de vente et indemnisation : gare au délai !



Des époux concluent une promesse unilatérale de vente sous la condition suspensive d’obtention d’un prêt, avec paiement d’une indemnité́ d’immobilisation. N’ayant pas obtenu la restitution de cette indemnité́, ils assignent les vendeurs devant les tribunaux, mais tardivement.

Saisie du litige, la Cour de cassation rappelle en effet le principe selon lequel le point de départ de la prescription de l'action en exécution d'une obligation se situe au jour où̀ le créancier a su ou aurait dû savoir que celle-ci était devenue exigible, et non à la date à laquelle il a eu connaissance du refus du débiteur de l'exécuter (article 2224 du Code civil.

Par ailleurs, lorsque la condition suspensive d'obtention d'un prêt n'est pas réalisée, toute somme versée d'avance par l'acquéreur à l'autre partie est immédiatement et intégralement remboursable sans retenue, ni indemnité́ à quelque titre que ce soit (article L 313-41du code de la consommation).

Ainsi, la demande, formée par le couple plus de cinq ans après la date à laquelle l'indemnité était devenue immédiatement remboursable du fait de la défaillance de la condition suspensive, est bien prescrite.

Cour de cassation, 3ème chambre civile, 11 juillet 2024, pourvoi n° 22-22.058




Voyage à forfait annulé pour Covid : les assureurs doivent payer !



En 2020, des voyageurs annulent leurs voyages à forfait vers, respectivement, la Grande Canarie et la République dominicaine, en raison de la pandémie de Covid-19. A la suite de la faillite de leurs organisateurs de voyages, ils demandent aux assureurs de ces derniers de leur rembourser les paiements effectués.

Mais les assureurs refusent, rappelant que leur rôle est d’assurer uniquement le risque que le voyage ne soit pas exécuté́ en raison de l’insolvabilité́ de l’organisateur. Or, selon eux, ici, les voyages n’ont pas été exécutés du fait de leur annulation par les voyageurs, l’insolvabilité́ de l’organisateur ne s’étant produite qu’ultérieurement. En vain.

Saisie de la question, la Cour de justice de l’Union européenne répond, au visa de la directive relative aux voyages à forfait, que la garantie conférée aux voyageurs contre l’insolvabilité́ de l’organisateur de voyages à forfait s’applique aussi lorsqu’un voyageur annule le voyage en raison de circonstances exceptionnelles et inévitables.

La directive prévoit en effet que le voyageur a droit au remboursement intégral des paiements effectués en cas d’annulation en raison de circonstances exceptionnelles et inévitables. Dès lors, ce droit serait privé de son effet utile si, lorsque l’insolvabilité́ de l’organisateur survient après cette annulation, la garantie contre une telle insolvabilité́ ne couvrait pas les créances de remboursement correspondantes.

Cour de justice de l’Union européenne, 29 juillet 2024, affaire n° C-771/22




Indemnisation du préjudice d’angoisse de mort imminente en cas de survie de la personne



Une aide-soignante, agressée par un patient qui lui a porté 14 coups de couteau, assigne en justice l’assureur de son agresseur afin d’indemnisation. Elle obtient la somme de 10 000 € au titre du préjudice d’angoisse et de sensation de mort imminente.

Mais l’assureur conteste. En vain.

Saisie du litige, la Cour de cassation juge que « le préjudice d’angoisse de mort imminente en cas de survie se rattache au poste des souffrances endurées, qui indemnise toutes les souffrances physiques et psychiques, quelles que soient leur nature et leur intensité, ainsi que les troubles associés qu’endure la victime à compte du fait dommageable et jusqu’à la consolidation de son état de santé ».

Elle ajoute par ailleurs que « l'indemnisation de ce préjudice par un poste de préjudice autonome ne peut donner lieu à cassation que si ce préjudice a été indemnisé deux fois, en violation du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime ».

Or, en l’espèce, il ressort de la décision des juges que l'indemnisation des souffrances endurées a pris en compte celles qui étaient liées aux lésions consécutives à la multiplicité des plaies par arme blanche qu'elle a présentées, mais qu'il ne peut être considéré, sans précision sur ce point donnée par l'expert, que le vécu douloureux, moral et psychologique qu'il rapporte, englobe aussi la sensation particulière éprouvée par la victime de sa fin prochaine.

Ainsi, le préjudice d’angoisse de mort imminente en cas de survie se rattache, par principe, au poste de souffrances endurées, mais peut toutefois être indemnisé de manière autonome.

Cour de cassation, 2ème chambre civile, 11 juillet 2024, pourvoi n° 23-10.068




Fiche de renseignements imprécise : nullité de l’acte de cautionnement



Une société accorde à une autre un prêt de 150 000 € garanti par une caution personne physique. Cette dernière est poursuivie en paiement à la suite de la défaillance de l'emprunteur. Pour tenter d’échapper à ses obligations, elle invoque alors la disproportion de son engagement.

Les juges rejettent toutefois ses prétentions et la condamnent à payer en retenant que les sept cautionnements antérieurs au cautionnement litigieux dont elle se prévaut n'avaient pas été déclarés auprès du prêteur.

Saisie du litige, la Cour de cassation censure toutefois cette décision : la caution, qui n'est pas invitée par le prêteur à établir une fiche de renseignements, n'est pas tenue de déclarer spontanément l'existence d'engagements antérieurs ; ainsi, en l'absence de telles déclarations, tous ses biens et revenus doivent être pris en compte pour apprécier l'existence d'une éventuelle disproportion de son engagement.

Ainsi, en l’espèce, la caution pouvait se prévaloir des cautionnements litigieux.

Cour de cassation, chambre commerciale, 4 avril 2024, pourvoi n° 22-21-880




Contrat d’assurance corporelle de la vie quotidienne : le décès accidentel est une condition de la garantie



Alors qu'il est au volant de son véhicule, le souscripteur d’un contrat d' « assurance corporelle de la vie quotidienne et des loisirs » est victime d'un malaise cardiaque et décède.

Quelques temps après, sa veuve sollicite auprès de l’assureur la mise en œuvre du contrat et le versement du capital décès prévu.

Mais l’assureur refuse sa garantie. A l’appui de sa démarche, il argue que le contrat ne couvre que les dommages corporels provenant de l'action soudaine, imprévisible et exclusive d'une cause extérieure. Or, selon lui, la veuve ne rapporte pas la preuve que son époux était décédé de manière accidentelle.

Pour sa défense, l’épouse du défunt rétorque que l’assureur ajoute une limitation de garantie non prévue dans le contrat en invoquant une définition du terme « accident » qui impose la nécessité d'une cause extérieure. Elle finira par avoir gain de cause.

Saisie du litige, la Cour de cassation juge que si le décès est bien dû à une cause naturelle, son caractère accidentel constitue une circonstance qui, s'agissant de l'application d'un contrat d'assurance couvrant les accidents corporels, est une condition de la garantie.

Cour de cassation, 2ème chambre civile, 11 juillet 2024, pourvoi n° 22-18.378




Assurance-vie et primes exagérées rapportables à la sucession



Un frère et une sœur s’affrontent dans le cadre du règlement des successions de leurs parents. Le premier demande le rapport du capital de 86 700 € versé à la seconde au titre du contrat d’assurance-vie souscrit par leur mère et alimenté à trois reprises.

Retenant le caractère manifestement exagéré des primes versées, les juges font droit à cette demande.

Saisie du litige, la Cour de cassation censure cette décision. Les Hauts magistrats rappellent en effet que les primes versées par le souscripteur d’un contrat d’assurance-vie ne sont rapportables à la succession que si elles présentent un caractère manifestement exagéré eu égard à ses facultés, lequel s’apprécie au moment du versement, au regard de l’âge, des situations patrimoniale et familiale du souscripteur ainsi que de l’utilité du contrat pour celui-ci. Ainsi, ils reprochent aux juges, à propos de la première prime, de ne pas avoir tenu compte de la situation patrimoniale globale de la souscriptrice, en s’abstenant de rechercher si elle ne disposait pas, à la date du versement, d’un patrimoine immobilier et d’une épargne sur divers comptes ; et, à propos des deux autres primes, de s’être prononcés au regard d’éléments autres que l’âge, la situation patrimoniale et familiale de la souscriptrice et l’utilité du contrat pour elle.

L’affaire devra donc être rejugée.

Cour de cassation, 1ère chambre civile, 2 mai 2024, pourvoi n° 22-14.829




L’altération de la libido suffit à caractériser le préjudice sexuel



Une victime de divers préjudices corporels se voit prescrire, à la suite de son accident traumatique, des médicaments psychotropes. Elle éprouve alors une altération de sa libido, qu’elle impute à ce traitement. Elle en demande réparation en justice, à l’appui d’une expertise judiciaire.

Cantonnant toutefois le préjudice sexuel au préjudice morphologique, constitué de l’atteinte aux organes sexuels, et au préjudice dit de « procréation », constitué de l’atteinte à la faculté de procréer, les juges considèrent que le préjudice sexuel allégué n’est pas établi .

Saisie du litige, la Cour de cassation censure cette décision pour défaut de motif, dès lors qu’« il résultait du rapport d’expertise que les conséquences de l’accident et du traitement psychotrope pouvaient être à l’origine d’une altération de la libido et justifier un préjudice sexuel, dont l’indemnisation n’était pas au surplus contestée en son principe par l’assureur ».

La solution est conforme à la Nomenclature Dintilhac, qui décline le préjudice sexuel en trois types de préjudices : le préjudice morphologique, le préjudice de procréation, le préjudice lié à l’acte sexuel lui-même, qui repose sur la perte de plaisir sexuel résultant soit de la perte de la capacité physique de réaliser l’acte, soit d’une perte de la libido.

Ainsi, concluent les Hauts magistrats, dans la mesure où la victime s’est trouvée contrainte, du fait des séquelles psychologiques de son accident, de prendre des médicaments susceptibles d’altérer sa libido, son préjudice sexuel est constitué. Elle doit donc être indemnisée à ce titre.

Cour de cassation, chambre criminelle, 22 mai 2024, pourvoi n° 23-82.958




Réception tacite de travaux pour un ouvrage existant



Une commune (le maitre d’ouvrage), qui avait fait édifier un complexe socio-culturel et sportif et souscrit une police d’assurance dommages-ouvrage, dénonce à l’assureur, quelques années après réception de l’ouvrage, l’apparition de fissures importantes en façade. La société d’expertise mandatée par l’assureur remet son rapport et des travaux de réparation sont réalisés.

Après avoir dénoncé à l’assureur l’apparition de nouvelles fissures, en indiquant que la stabilité de la structure était compromise et que les travaux de reprise avaient été inefficaces, la commune assigne en justice les constructeurs et leurs assureurs, ainsi que la société d’expertise.

Mais pour les juges, la responsabilité décennale des constructeurs est inapplicable faute de réception.

Saisie du litige, la Cour de cassation confirme cette décision. Les Hauts magistrats jugent en effet qu’en cas de travaux sur existant, la prise de possession ne peut pas résulter du seul fait que le maître de l’ouvrage occupait déjà les lieux.

Cour de cassation, 3ème chambre civile, 23 mai 2024, pourvoi n° 22-22.938




Squat et procédure administrative d’évacuation forcée



Pour mémoire, la procédure administrative d’évacuation des squats a été instaurée par la loi du 5 mars 2007 instituant le Droit au logement opposable (loi DALO) et complétée par la loi 7 décembre 2020 dite « loi ASAP ». Elle ouvre la possibilité́ au propriétaire ou au locataire d’un domicile occupé à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou de contrainte, de saisir les services préfectoraux d’une demande d’expulsion de l’occupant, sous certaines conditions. Elle permet ainsi au préfet, après mise en demeure de l’occupant de quitter les lieux dans un délai de 48 heures, de procéder à l’évacuation forcée du logement.

La loi du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l’occupation illicite a reformé la procédure administrative d’évacuation des squats, notamment en ce que son champ d’application a été élargi à tout local à usage d’habitation ; en ce que la faculté de constater l’occupation illicite du logement a été étendue aux maires et aux commissaires de justice ; en ce que la preuve de la propriété a été facilitée lorsque le propriétaire ne peut apporter la preuve de son droit en raison du squat.

Une circulaire du 2 mai 2024, récemment publiée, vise ainsi à informer les services concernés, en particulier les services de l’État et les parquets, des nouvelles modalités de mise en œuvre de la procédure. Elle remplace ainsi la circulaire du 22 janvier 2021.

Circulaire du 2 mai 2024




Le vendeur est également responsable du chargement du produit vendu



Une société vend des planches en bois à un client qui les charge sur une remorque attelée à son véhicule avec l’aide d’un employé de la société. Alors victime d’un accident de voiture causé par le poids important des planches, le client décède.

Les héritiers de la victime décident d’assigner devant les tribunaux la société, en responsabilité et indemnisation, sur le fondement d'un manquement à son obligation de sécurité, d'information et de mise en garde. La société se défend, faisant valoir qu’au moment de l’accident, elle n’était plus propriétaire et gardien des planches en bois. En vain.

Saisie du litige, la Cour de cassation, après avoir relevé que le client ne pouvait circuler en toute sécurité compte tenu du poids des planches, juge que la société a bien manqué à son obligation de sécurité, d’information et de conseil, en n’omettant d’informer le client et l’employé du poids total des planches vendues.

Ainsi, les Hauts magistrats intègrent donc le chargement du produit vendu dans l'obligation de sécurité du vendeur lorsque ce produit comprend des conditions « prévisibles » de transport pour un non-professionnel.

Cour de cassation, 1ère chambre civile, 19 juin 2024, pourvoi n° 21-19.972




L’assurance décennale ne garantit pas les dommages à l’ouvrage existant



Un couple confie à un constructeur des travaux de remplacement des tuiles de la couverture de leur maison d’habitation. Une fois terminés, les travaux sont tacitement réceptionnés.

Puis, se plaignant d’une déformation du rampant de la toiture, le couple assigne en justice le constructeur et son assureur de responsabilité civile décennale. En vain.

Saisie du litige, la Cour de cassation rappelle que les articles du Code des assurances relatifs à l’assurance obligatoire ne sont pas applicables aux ouvrages existants avant l’ouverture du chantier à l’exception de ceux qui, totalement incorporés dans l’ouvrage neuf, en deviennent complètement indivisibles.

Ainsi, l’assurance obligatoire ne saurait garantir les dommages à l’ouvrage existant provoqués par la construction d’un ouvrage neuf que dans le cas d’une indivisibilité technique des deux ouvrages et si celle-ci procède de l’incorporation totale de l’existant dans le neuf.

Faute de rapporter cette double condition, dont l’appréciation relève du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond, il n’est donc pas possible, dans cette affaire, de condamner l’assureur de responsabilité civile décennale à garantir les dommages subis à l’existant.

Cour de cassation, 3ème chambre civile, 30 mai 2024, pourvoi n° 22-20.711




Pertes de revenus futurs : l’auteur d’un dommage doit en réparer toutes les conséquences



A l’occasion d’une arthroscopie du genou réalisée en clinique, un patient présente un syndrome infectieux et conserve des séquelles. Afin d’obtenir réparation de ses préjudices corporels, il assigne alors en responsabilité et indemnisation la clinique et son assureur.

Durant la procédure, l’infection nosocomiale est reconnue et le déficit fonctionnel permanent de la victime évalué à 10 %. Les juges limitent toutefois à 30 % l’indemnisation de la perte de gains professionnels futurs (PGPF). Selon eux, si l’intéressé est désormais « inapte à son dernier emploi de chauffeur-livreur ainsi qu’à tout emploi nécessitant une conduite sur de longs trajets, un port de charges et des positions à genou et/ou accroupies », il « ne justifie pas de démarches sérieuses de recherche d’emploi ou de reconversion professionnelle ».

Saisie du litige, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation censure cette décision. Elle rappelle que « l’auteur d’un dommage doit en réparer toutes les conséquences et que la victime n’est pas tenue de limiter son préjudice dans l’intérêt du responsable ».

En ce sens, la victime d’un accident médical qui conserve un déficit permanent de 10 % a droit à la réparation intégrale de ses préjudices. A ce titre, elle doit être indemnisée de la perte totale de ses gains professionnels futurs. L’affaire sera donc rejugée.

Cour de cassation, 1ère chambre civile, 5 juin 2024, pourvoi n° 23-12.693




Emprunt immobilier et divorce : qui doit rembourser ?



Un époux, marié sous le régime de la communauté réduite aux acquêts, souscrit seul un prêt immobilier destiné à l’acquisition d’une résidence secondaire. Quelques temps après, il décide avec sa femme d’opter pour le régime de la communauté universelle.

Des échéances de l’emprunt étant alors restées impayées, la banque assigne devant la justice le mari en remboursement du prêt.

Puis le couple divorce et, lors de la liquidation du régime matrimonial, se dispute sur le sort de l’emprunt.

Pour contrer la demande de son ex-mari qui considérait que le remboursement de l’emprunt devait être mis à la charge de la communauté, la femme soutient que, n’ayant pas donné son consentement à l’emprunt, seuls les biens propres de Monsieur étaient, de fait, engagés. En vain.

Au visa de l’article 1526 du Code civil, la Cour de cassation rappelle que toutes les dettes des époux, présentes et futures, y compris personnelles, telles qu’un emprunt contracté par un seul époux, sont supportées définitivement par la communauté universelle.

Cour de cassation, 1ère chambre civile, 17 janvier 2024, pourvoi n° 22-10.274




Aide bénévole : gare aux risques !



Un homme prête assistance à son voisin pour l’aider à refaire la toiture de son abri jardin. Malheureusement, durant cette opération, il tombe et se blesse gravement.

Saisis du litige, les juges limitent le droit à indemnisation de la victime blessée à hauteur de 50 % estimant qu’elle aurait été pour partie responsable de son dommage en ce qu’elle aurait commis une faute d'imprudence en montant sur le toit de l'abri de jardin alors qu'elle était blessée à un doigt, ce qui ne lui aurait pas permis de conserver une agilité manuelle ordinaire et d'assurer normalement ses prises.

La Cour de cassation confirme cette décision. Reprenant sa jurisprudence habituelle, elle rappelle que si une convention d'assistance bénévole (contrat tacite) emporte pour l'assisté l'obligation de réparer les conséquences des dommages corporels subis par celui auquel il a fait appel, toute faute de l'assistant, quelle que soit sa nature, serait-elle d'imprudence, peut décharger l'assisté de cette obligation, dans la mesure où elle a concouru à la réalisation du dommage

Méfiance donc : dans une convention d’assistance bénévole, n’importe quelle faute de l’assistant décharge en tout ou partie la personne aidée de sa responsabilité, même la faute d’imprudence !

Cour de cassation, 1ère chambre civile, 28 février 2024, pourvoi n° 22-24.025




Responsabilité du constructeur et garantie de l’assureur



Un maître d’ouvrage fait rénover un immeuble qu’il divise et vend par lots en l’état futur d’achèvement. Pour ce faire, il souscrit un contrat d’assurance constructeur non réalisateur.

Après la réception de l’immeuble, le syndicat des copropriétaires et certains copropriétaires se plaignent de désordres.

Condamné à verser seul plusieurs dizaines de milliers d’euros par la Cour d’appel, le vendeur conteste. Il reproche notamment aux juges d’avoir rejeté sa demande de condamnation de son assureur à le garantir pour les désordres  de nature décennale affectant le toit-terrasse. Il finira par avoir gain de cause.

La Cour de cassation rappelle en effet qu’une carence dans la réalisation de l'ouvrage l'ayant rendu impropre à sa destination engage d'office la responsabilité  décennale de son constructeur et permet d'appeler en garantie l'assureur. Ce principe vaut même si le désordre résulte, comme c’est le cas en l’espèce, d'une absence d'évacuation des  eaux pluviales, et non d'une malfaçon.

Ainsi, le constructeur peut appeler en garantie son assureur décennal, y compris si le désordre résulte d'une faute contractuelle dès lors qu'il rend l'ouvrage impropre à sa destination.

Cour de cassation, 3ème chambre civile, 4 avril 2024, pourvoi n° 22-12.132




Les juges ne peuvent procéder à une appréciation forfaitaire du dommage



Un homme est gravement blessé par l’explosion d’un engin pyrotechnique lors d’une fête organisée par une association. Le dommage est tel qu’il n’a pu poursuivre son activité professionnelle de conducteur d’ambulance, dont il a été licencié pour inaptitude en 2012. De même, le dommage lui a interdit toute évolution dans la carrière de sapeur-pompier volontaire qu’il exerçait jusque-là. L’accident a en outre été lourd de conséquences sur sa vie personnelle. Il est finalement décédé en 2017, avant que son état ne soit consolidé.

Au regard de ces différents éléments, les juges ont déclaré l’association responsable des préjudices subis par la victime, qui avait introduit une action en responsabilité antérieurement à son décès. Ils ont ainsi condamné in solidum l’assureur et l’association à payer, aux ayants-droits de la victime, une somme évaluée forfaitairement à 80 000 € en réparation de l’incidence professionnelle, 60 000 € au titre du préjudice sexuel et du préjudice d’établissement (tous deux qualifiés de provisoires) ainsi que des sommes au titre de la perte de gains professionnels actuels et au titre du déficit fonctionnel temporaire.

Saisie du litige, la Cour de cassation censure cette décision : les Hauts magistrats rappellent en effet que les juges ne peuvent procéder à une appréciation forfaitaire du dommage qu’ils sont tenus d’évaluer in concreto.

L’affaire devra donc être rejugée.

Cour de cassation, 2ème chambre civile, 25 avril 2024, pourvoi n° 22-17.229




Prêt et mise en demeure : le délai de 15 jours n’est pas raisonnable



Une banque consent un prêt immobilier à un particulier.

A la suite de plusieurs échéances impayées, l’établissement financier met alors en demeure l’emprunteur de régulariser la situation sous un délai de quinze jours. À l’issue de ce délai, il prononce la déchéance du terme, et assigne devant la justice l’emprunteur en paiement des sommes et des intérêts contractuels dus.

L’intéressé se défend. A l’appui de sa démarche, il soutient que la clause d’un prêt immobilier qui prévoit une déchéance du terme après une mise en demeure infructueuse de quinze jours est abusive. Il finira par avoir gain de cause.

Saisie du litige, la Cour de cassation rappelle en effet que « dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre entre les droits et obligations des parties au contrat ».

Ainsi, elle considère qu’une clause prévoyant une résiliation de plein droit après une mise en demeure comprenant un délai de seulement un quinze jours n’est pas d’une durée raisonnable puisqu’elle « crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur ainsi exposé à une aggravation soudaine des conditions de remboursement ».

Cour de cassation, 1ère chambre civile, 29 mai 2024, pourvoi n° 23-12.904




La banque est tenue d’informer la caution, quelle qu’elle soit



Pour tenter d’échapper à ses obligations, une caution (personne physique) invoque la nullité de l’acte de cautionnement qu’elle a signé, affirmant ne pas avoir reçu de la banque les informations légales.

Saisie du litige, la Cour de cassation rappelle que les établissements de crédit ou les sociétés de financement ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation, ainsi que le terme de cet engagement. En outre, ce même créancier professionnel est tenu de faire connaître à la caution personne physique, au plus tard avant le 31 mars de chaque année, le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation garantie, ainsi que le terme de cet engagement.

La Cour de cassation retient que ces dispositions bénéficient à la caution personne physique pour les deux textes, et à la personne morale pour le premier, même dirigeante.

Ainsi, elle censure la décision des juges en ce qu’ils avaient retenu que la caution, dirigeante de la société cautionnée, ne pouvait se prévaloir du défaut d’information.

Cour de cassation, chambre commerciale, 10 mai 2024, pourvoi n° 22-19.746




Contamination au VIH : la victime n’est pas fautive



Une femme est testée positive au virus de l'immunodéficience humaine (VIH). Elle assigne alors son ex-partenaire en justice à fin d’indemnisation de son préjudice, estimant que ce dernier, qui ne lui a pas révélé sa séropositivité, est responsable de sa contamination.

Les juges retiennent toutefois l’existence d’une faute d’imprudence de nature à limiter les droits à réparation de la demanderesse, après avoir constaté que cette dernière avait eu des relations sexuelles « non protégées » alors qu'elle ne connaissait son partenaire « que depuis quelques jours ».

Saisie du litige, la Cour de cassation censure néanmoins cette décision. Au visa de l’article de l’article 1241 du Code civil, elle rappelle que chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

En cela, elle désapprouve donc les juges d’avoir retenu une faute d’imprudence de nature à limiter le droit à réparation de la demanderesse alors que le fait pour une personne d’avoir des relations sexuelles non protégées, en méconnaissance des recommandations des autorités sanitaires, avec un partenaire qui lui a dissimulé sa séropositivité, ne constitue pas, à lui seul, une faute.

Cour de cassation, 2ème chambre civile, 14 mars 2024, pourvoi n° 22.10-324




L’intérêt légal de retard et les pénalités de retard ne peuvent se cumuler



Une société assigne en justice une autre société au titre de factures impayées. Elle souhaite obtenir le paiement de pénalités de retard et d’intérêts légaux de retard. En vain.

Les juges rejettent en effet la demande de la société requérante. Pour eux, les pénalités de retard et les intérêts légaux de retard ne peuvent se cumuler puisqu’ils ont, tous les deux, vocation à réparer le préjudice né d’un retard de paiement.

Saisie du litige, la Cour de cassation confirme cette décision et juge que la pénalité de retard constitue un intérêt moratoire et a donc la même nature que les intérêts légaux de retard.

Ainsi, malgré leurs conditions d'application et leur régime juridique différent, ces deux sanctions sont de nature identique en ce qu'elles réparent un préjudice né d'un retard de paiement. Elles ne peuvent donc se cumuler.

Cour de cassation, chambre commerciale, 24 avril 2024, pourvoi n° 22-24.275




La victime d’un dommage corporel conserve la libre disposition des fonds qui lui sont alloués



Victime d’un tir par arme à feu, un homme saisit une commission d’indemnisation des victimes d’infraction (CIVI) en indemnisation de ses préjudices.

Appelés à trancher le litige, les juges évaluent à 2 131 400,03 € le montant total de l’indemnisation qui doit lui être versé, au titre des dépenses de santé futures.

L’intéressé conteste. A l’appui de sa démarche, il affirme ainsi que l’indemnité allouée au titre des dépenses de santé future doit être évaluée en fonction des besoins appréciés à la date de la consolidation et non des dépenses qui ont ou n’ont pas été effectuées.

Saisie du litige, la Cour de cassation lui donne raison et censure la décision des juges du fond. Elle rappelle que le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime exclut le contrôle de l’utilisation des fonds alloués à la victime, qui en conserve la libre disposition.

La Haute juridiction juge en conséquence que l’indemnité allouée au titre de ces prothèses doit être évaluée en fonction des besoins de la victime, déterminés à la date de consolidation, et ne peut être subordonnée à la justification des dépenses correspondantes.

Cour de cassation, 2ème chambre civile, 4 avril 2024, pourvoi n° 22-19.307




Contrôle fiscal : la procédure est équitable et contradictoire



Dans le cadre d’un contrôle fiscal, et faute d’avoir obtenu des réponses suffisantes à ses demandes d’éclaircissement, l’administration décide de taxer d’office un particulier pour des sommes qu’elle estime litigieuses.

L’intéressé se défend. Il soutient mal maitriser le français et affirme donc avoir rencontré des difficultés pour répondre aux demandes qui lui étaient adressées lors du contrôle. A ce titre, la procédure doit, selon lui, être jugée irrégulière. En vain.

Pour les juges, les arguments avancés, à les supposer établis, sont sans incidence sur la régularité de la procédure de contrôle de l'impôt. Il appartenait seulement au contribuable, s'il le jugeait utile, et alors qu'il avait été informé par l'administration fiscale de la possibilité de se faire assister par un conseil de son choix, de faire appel à un interprète.

Le seul fait que le service n'ait pas, de sa propre initiative, mis un interprète à la disposition de l'intéressé ne saurait donc être regardé comme ayant eu des conséquences de nature à porter atteinte de manière irréversible aux caractères équitable et contradictoire de la procédure, garantis par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Cour administrative d’appel de Nantes, 19 mars 2024, affaire n° 23NT00415




Renonciation à une promesse de vente et application de la clause pénale



Une promesse synallagmatique de vente portant sur un terrain est conclue sous différentes conditions suspensives, dont celle d’obtention, par le vendeur, de la mainlevée des inscriptions grevant le bien.

Les documents sollicités n’étant pas transmis, les acquéreurs finissent par notifier au vendeur leur intention de renoncer à l’acquisition.

Deux jours plus tard, par courrier électronique, le notaire, chargé de la vente, sollicite l’accord écrit du vendeur sur l'annulation de la promesse de vente à la suite de la renonciation des acquéreurs à l'opération.

Le vendeur refuse alors de payer la somme de 18 000 € au titre de la clause pénale…

« A tort », estime la Cour de cassation. Les Hauts magistrats rappellent en effet qu'un courrier électronique d'un notaire, mentionnant l'annulation d'une promesse synallagmatique de vente, ne peut être interprété comme une annulation formelle de l'accord convenu entre les parties. En conséquence, la clause pénale prévue au contrat reste applicable et ne peut être privée d’effet.

Cour de cassation 3ème chambre civile, 4 avril 2024, pourvoi n° 21-21.147




Accident médical : la faute du professionnel de santé n’exclut pas nécessairement l’intervention de l’ONIAM



Souffrant de douleurs dans la région latéro-pubienne, une patiente est prise en charge au sein d'un centre hospitalier par un chirurgien salarié qui procède à une exploration sous anesthésie locale. Aucune hernie crurale ou inguinale n’est décelée mais, au vu de la persistance des douleurs, un examen par IRM est réalisé. Cet examen met alors en évidence une formation kystique sous-cutanée correspondant à une hernie inguinale atypique. Au cours de l’opération qui s’en suit, la patiente subit une atteinte d'un nerf génito-fémoral, laquelle provoque une névralgie.

Quelques temps après, en vue d’obtenir la réparation de son préjudice, la patiente assigne en responsabilité et indemnisation le centre hospitalier et appelle l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) en la cause.

Saisie du litige, la Cour d’appel met à la charge de l’ONIAM une partie de l'indemnisation (en plus de celle qui doit être versée par le centre hospitalier au titre des fautes commises par son praticien).

Mais l’Office se défend. A l’appui de sa démarche, il argue qu’en vertu de l’article L. 1142-1 du Code de la santé publique, lorsqu’une faute a été commise lors de la réalisation de l’acte médical à l’origine du dommage, une indemnisation au titre de la solidarité nationale est exclue. En vain.

Appelée à trancher le litige, la Cour de cassation confirme la décision des juges rappelant que les dispositions de l’article L. 1142-1 du Code de la santé publique n’excluent l’indemnisation par l’Office que si le dommage est entièrement la conséquence directe d’une faute.

Ainsi, lorsque le patient a été victime d'un accident médical non fautif, mais qu'une faute a augmenté les risques de sa survenue et lui a fait perdre une chance d'y échapper, l’ONIAM est tenu de l’indemniser au titre de la solidarité nationale, déduction faite de l'indemnité à la charge du responsable.

Or, tel était bien le cas en l’espèce, car les fautes commises par le chirurgien (absence de repérage de la hernie au premier examen et pose inutile d'une plaque lors de l'intervention) ont augmenté le risque d'atteinte névralgique inhérent à l'opération et ainsi fait perdre à la victime une chance d'échapper à sa réalisation.

Cour de cassation, 1ère chambre civile, 25 avril 2024, pourvoi n° 23-11.059




Prêt à taux zéro : offres émises à compter du 1er avril 2024



Pour mémoire, la loi de finances pour 2024 a prorogé le Prêt à taux zéro (PTZ) jusqu'au 31 décembre 2027 et en a modifié plusieurs paramètres.

Elle prévoit, en premier lieu, le recentrage du PTZ « neuf » vers les projets en habitat collectif situés en zones A et B1 (la construction d’une maison individuelle n’étant plus éligible, sauf exceptions). Toutefois, le PTZ reste ouvert sur l'ensemble des communes pour les logements neufs dans certains cas suivants : aménagement, avec ou sans acquisition, de locaux non destinés à l’habitation en locaux à usage de logement ; acquisition de logements neufs en location-accession à la propriété immobilière ; acquisition de logement neufs faisant l’objet d’un contrat de bail réel solidaire (BRS) ; acquisition en TVA à taux réduit en zone QPV et ANRU).

La loi de finances procède également à la revalorisation des conditions de remboursement du prêt (quotient familial, plafond) ; modifie le calcul de la quotité de prêt, avec la prise en compte de la localisation du bien, de son caractère neuf ou ancien et désormais des ressources de l’emprunteur ; écarte dans le calcul du coût total de l’opération du coût des travaux portant sur des dispositifs de chauffage fonctionnant aux énergies fossiles ; réforme la durée de la première période de remboursement.

Décret n° 2034-304 du 2 avril 2024




Le DPE évolue pour les surfaces de moins de 40 m2



Le mode de calcul du diagnostic de performance énergétique (DPE) va connaître des évolutions pour les logements de moins de 40 m2. Un arrêté du 25 mars 2024 modifie en effet les seuils des étiquettes du DPE s'appliquant à ces logements.

Il précise ainsi que la surface prise en compte est « la surface de référence du bâtiment ». Cette surface est la surface habitable du bâtiment, à laquelle il convient d’ajouter les surfaces des vérandas chauffées ainsi que les surfaces des locaux chauffés pour l'usage principal d'occupation humaine, d'une hauteur sous plafond d'au moins 1,80 m.

Cette mesure, qui doit entrer en vigueur au 1er juillet 2024, a pour objectif de rendre les différents seuils plus équitables ; de faire sortir un certain nombre de petites surfaces de la catégorie des « passoires énergétiques » (catégories F et G du DPE) ; et de lever l'interdiction à la location prévue sur ces logements pour laisser le temps aux propriétaires d'envisager leur rénovation. 140 000 logements sont concernés.

Arrêté du 25 mars 2024




La fiche patrimoniale de la caution doit avoir été signée avant le cautionnement



Pour tenter d’échapper à ses obligations, une caution invoque la nullité de l’acte qu’elle a signé. A l’appui de sa démarche, elle soutient que le cautionnement est disproportionné au regard de ses biens et revenus.

En réponse, la banque fait valoir la fiche de renseignements patrimoniaux que l'intéressée lui a remise un mois après la souscription du cautionnement et qui, dénuée de toute anomalie, ne montre pas l'existence d'une disproportion de l’engagement. En vain.

Saisie du litige, la Cour de cassation rejette l'argument.

Si, sauf anomalies apparentes, la banque n'est pas tenue de vérifier les déclarations fournies par la caution, à qui il incombe de prouver la disproportion manifeste de son engagement, elle a toutefois le devoir de s'enquérir de la situation patrimoniale de celle-ci avant la souscription du cautionnement, de sorte qu'il ne peut être tenu compte, pour l'appréciation de la disproportion, d'une fiche de renseignements signée postérieurement, comme c'est le cas dans cette affaire.

Cour de cassation, chambre commerciale, 13 mars 2024, pourvoi n° 22-19.900




Pas de responsabilité, pas d’action en réparation de l’aggravation d’un préjudice



Une demande en réparation de l’aggravation d’un préjudice ne peut être accueillie que si la responsabilité de l’auteur présumé du dommage a été reconnue.

Tel est le rappel que vient d’effectuer la Cour de cassation dans sa décision en date du 21 mars 2024.

Dans cette affaire, un homme avait chuté alors qu’il tentait de monter dans un train. Gravement blessé, il avait dû être amputé de sa jambe droite, de son bras droit ainsi que de deux orteils de son pied gauche. Un rapport d’expertise médicale avait fixé la date de consolidation de son état de santé au 31 décembre 1982.

Près de vingt plus tard, en mai 2001, cet homme avait assigné la SNCF en responsabilité et indemnisation. Par un jugement rendu le 1er octobre 2003 et devenu irrévocable, cette demande avait toutefois été rejetée, jugée comme prescrite.

Invoquant notamment une aggravation de son état de santé survenue en 2008, il avait alors de nouveau assigné la SNCF en responsabilité et indemnisation de son entier préjudice en 2010. A l’appui de sa démarche, il soutenait que l’aggravation est un dommage nouveau, automne du préjudice initial, donnant naissance à un droit à réparation distinct. En vain.

Saisie du litige, la Cour de cassation relève qu’en raison de la prescription de l’action en indemnisation menée par la victime en 2001, la responsabilité de la SNCF n’a pas été établie et le préjudice initial n’a pas été déterminé avant l’introduction de l’action en aggravation.
Par conséquent, l’action en responsabilité et indemnisation, tant du préjudice initial que du préjudice aggravé, est irrecevable car elle porte atteinte à l’autorité de la chose jugée attachée au jugement du 1er octobre 2003.

Cour de cassation, 2ème chambre civile, 21 mars 2024, pourvoi n° 22-18.089




L’architecte est tenu de réaliser un projet qui soit réalisable



En vue de construire leur maison d'habitation, un couple de particuliers (agissant en tant que maitre d’ouvrage) confie à un architecte la mission d'établir les avant-projets, de réaliser le dossier du permis de construire et de consulter des entreprises sous la forme d'un appel d'offres. L'architecte leur conseille alors de réaliser une étude de sol, démarche qui ne sera finalement pas effectuée.

Une fois la maison achevée, des fissures en façade apparaissent tenant à l'absence de prise en compte des contraintes du sol.

Les juges mettent toutefois hors de cause l'architecte, retenant que sa mission s'était pour l’essentiel limitée au permis de construire.

Saisie du litige, la Cour de cassation censure cette décision. Elle rappelle que, sauf à prouver que les dommages proviennent d'une cause étrangère, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit des dommages qui compromettent la solidarité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendant impropre à sa destination.

Ainsi, informer le maître d'ouvrage de la nécessité de réaliser une étude de sol ne suffit pas à exonérer l'architecte de sa responsabilité !

Cour de cassation, 3ème chambre civile, 15 février 2024, pourvoi n° 22-23.682




Audit énergétique : ce qui a changé depuis le 1er avril 2024



Obligatoirement annexé aux actes de vente des logements les plus énergivores (logements classés F et G sur le diagnostic de performance énergétique), l'audit énergétique voit son contenu évoluer.

Depuis le 1er avril, le professionnel qui réalise l’audit peut, à la demande du propriétaire vendeur, proposer d’autres scénarios de travaux qui viennent ainsi s’ajouter aux deux propositions obligatoires.

Chaque proposition doit alors contenir les caractéristiques et critères de performance des matériaux ou équipements proposés ainsi que le type de matériaux d'isolation choisi. Elles doivent par ailleurs être le moyen d’atteindre un niveau satisfaisant de confort hygrothermique (située entre 18 et 20 °C) en toute saison.

Si, par ailleurs, l’audit montre que le renouvellement de l’air dans le logement est insuffisant ou ne peut pas être maîtrisé, il doit désormais préciser que le système de ventilation doit être modifié dès la première étape du parcours des travaux.

Parallèlement, l'auditeur doit proposer, d'une part, un scénario en une étape permettant une amélioration de deux classes énergétiques du bâtiment, ou en deux étapes permettant au moins l’atteinte de la rénovation performante ; et, d'autre part, un second scénario permettant un traitement satisfaisant des interfaces et interactions.

Enfin, le contenu de l'audit énergétique n’est plus exprimé en surface habitable mais en surface après travaux et devra obligatoirement comprendre un descriptif des travaux avec un certain nombre de mentions obligatoires.

Arrêté du 29 décembre 2023




Prédisposition pathologique de la victime : maintien de la réparation intégrale du préjudice



Un homme, victime d'un accident de la circulation sollicite de l'assureur du conducteur de la voiture impliquée l'indemnisation de son préjudice corporel. À l'appui de sa démarche, fait valoir que l'accident a déclenché une pathologie préexistante mais jusqu'alors asymptomatique.

Pour limiter le montant de l'indemnisation accordé au requérant, les juges soulignent que si l’accident a effectivement révélé la maladie, celle-ci était en réalité liée à un état structurel antérieur. Dès lors, les lésions éprouvées par la victime après l'accident ne sauraient être prises en charge par l'assureur du conducteur puisqu'en raison des prédispositions pathologiques de la victime, ces symptômes seraient nécessairement apparus, même si l'accident n'était pas survenu.

Saisie du litige, la Cour de cassation censure cette décision. Elle rappelle que conformément au principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime « le droit de la victime à obtenir l'indemnisation de son préjudice corporel ne saurait être réduit en raison d'une prédisposition pathologique lorsque l'affection qui en est résulté n'a été provoquée ou révélée que par le fait dommageable ».

Cour de cassation, 2ème chambre civile, 15 février 2024, pourvoi n° 22-20.994




Garantie décennale : attention, important changement



Deux époux confient à une société le soin d’installer un insert au sein de la cheminée, déjà construite, de leur maison. Quelques temps après, un incendie se déclare et ravage l’intégralité de la maison et du mobilier la garnissant.

Estimant que le sinistre est imputable à l’installation de l’insert, les époux assignent en justice la société et son assureur, sur le fondement de la garantie décennale, aux fins d’indemnisation de leur entier préjudice.

Jusqu’à présent, la Cour de cassation considérait en effet que tout désordre affectant des éléments d'équipement, qu'ils soient dissociables ou non, et qu'ils soient d'origine ou ajoutés à l’existant, relevait de la responsabilité décennale si ces dommages rendaient l'ensemble de l'ouvrage impropre à sa destination (ce qui était bien le cas en l’espèce).

Mais avec cette affaire, la Haute Cour fait radicalement évoluer sa position. Elle juge désormais que les éléments d’équipement installés en remplacement ou par ajout sur un ouvrage existant, qui ne constituent pas en eux-mêmes un ouvrage au sens de l’article 1792 du Code civil, ne relèvent ni de la garantie décennale, ni de la garantie biennale de bon fonctionnement, quelle que soit l’importance des désordres résultant de ces éléments d’équipement.

Autrement dit, pour avoir gain de cause, le couple aurait dû agir sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun, non soumise à l’assurance obligatoire des constructeurs.

Cour de cassation, 3ème chambre civile, 21 mars 2024, pourvoi n° 22-18.694




Assurance : fin de la vignette verte à compter du 1er avril 2024



A compter du 1er avril prochain, les conducteurs de véhicules immatriculés n'auront plus à apposer sur leur pare-brise le « papillon vert » prouvant la souscription à un contrat d’assurance.

Ce dispositif sera entièrement dématérialisé.

La preuve de l’assurance pourra alors être rapportée par la consultation du Fichier des Véhicules Assurés (FVA), qui compile l’ensemble des contrats d’assurance automobile du territoire français et qui est accessible aux forces de l’ordre lors des contrôles.

En revanche, les conducteurs de véhicules non immatriculés resteront soumis à l’obligation d’apposer le certificat sur le véhicule, tout en demeurant tenus de présenter une attestation d’assurance en cas de contrôle.

Décret n° 2023-1152 du 8 décembre 2023




Accidents de la circulation : la loi Badinter ne s’applique pas en cas d’actes intentionnels



La passagère d'une voiture, conduite par une amie, avait été blessée lors d'une sortie de route du véhicule. Elle avait alors assigné devant les tribunaux son amie (propriétaire de la voiture) et l’assureur du véhicule pour obtenir, sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985 (loi Badinter), l'indemnisation de son dommage corporel. En vain.

Saisie du litige, la Cour de cassation rappelle le principe selon lequel ne constitue pas un accident, au sens de la loi du 5 juillet 1985, l’accident qui, volontairement provoqué par le conducteur ou par un tiers, ne présente pas, de ce fait, un caractère fortuit.

Or, dans cette affaire, force était de constater que dommage subi par la victime n'était pas la conséquence d'un événement fortuit, mais le résultat d'un acte volontaire de la conductrice, celle-ci ayant délibérément pris la décision de précipiter son véhicule en dehors de la chaussée

Cour de cassation, 2ème chambre civile, 15 février 2024, pourvoi n° 21-22.319




Assurances : la charge du contenu du contrat incombe à l’assuré



Dans une décision en date du 15 février 2024, la Cour de cassation rappelle que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Ainsi, elle a jugé que la charge de la preuve du contenu du contrat d'assurance incombe à l'assuré.

Dans cette affaire, un véhicule avait été endommagé lors d'un accident impliquant un scooter.

Revendiquant le fait que le contrat ne couvrait que la responsabilité civile du conducteur, et non les dommages occasionnés au véhicule de l’assuré, l’assurance du véhicule avait ainsi dénié sa garantie, ce que le propriétaire du véhicule contestait en justice.

Au terme d’une longue procédure, la Cour de cassation, saisie du litige, censure, au visa de l’article 1353 du Code civil, la décision des juges qui avaient fait droit à la demande de l’assuré. Elle considère en effet que la charge de la preuve du contenu du contrat d'assurance incombe à l'assuré et qu'il appartenait donc à celui-ci de démontrer que la garantie « tous risques » avait été souscrite. Ce qui, en l’espèce, n’était pas le cas.

Cour de cassation, 2ème chambre civile, 15 février 2024, pourvoi n° 22-13.654




Faute médicale et indemnisation du préjudice professionnel d’une victime mineure



Dans un arrêt récent, en date du 13 février 2024, le Conseil d'État est venu confirmer qu’il était possible d’indemniser les pertes de gains professionnels futurs (ou PGPF) d’un mineur et ce, même si cette jeune victime n’est pas dans l’incapacité d’occuper un emploi.

Dans cette affaire, un jeune homme, âgé de 16 ans, avait été victime d'un grave accident de la circulation. Après plusieurs interventions chirurgicales et une mauvaise prise en charge par un hôpital relevant de l'assistance publique - hôpitaux de Paris (APHP), il avait finalement été amputé du tiers inférieur de sa jambe droite.

Estimant que la somme qui lui avait été allouée en réparation de son préjudice était insuffisante, le jeune homme avait contesté la décision rendue sur ce point. Il a fini par avoir gain de cause.

Saisie du litige, le Conseil d'État juge que, dans le cadre d’une demande au titre de la perte de gains professionnels futurs, la victime, dont les dommages subis affectent un accès dans les conditions usuelles au monde du travail, peut prétendre à la réparation de la perte de revenus professionnels, même si elle n'est pas dans l'incapacité d'occuper un emploi.

Conseil d’État, 5ème et 6ème chambres réunies, 13 février 2024, affaire n° 463770




Obligation de vigilance du banquier : gare à la procédure !



Une société donne instruction à sa banque de procéder à trois virements libellés en dollars américains afin de payer le solde de factures émises par des fournisseurs.

Quelques jours plus tard, elle constate qu'un tiers a frauduleusement accédé à son système de messagerie électronique et que les virements ont été effectués à destination de comptes n’appartenant pas à ses fournisseurs.

N'obtenant de sa banque qu’un remboursement partiel des fonds transférés après la découverte des agissements frauduleux, la société saisit la justice en invoquant à l’encontre de l’établissement financier un manquement à son obligation de vigilance et de surveillance. En vain.

Les virements litigieux ayant été effectués en juillet 2016 dans une devise autre que l’euro, le régime de responsabilité des prestataires de services de paiement, prévu au Code monétaire et financier, n’est pas applicable.

Il aurait donc été possible pour la société cliente d’engager la responsabilité de sa banque mais uniquement sur le fondement du droit commun de la responsabilité contractuelle.

Cour de cassation, chambre commerciale, 14 février 2024, pourvoi n° 22-11.654




Blessures involontaires et infractions au Code du travail : précision



Dans cette affaire, deux salariés d’une entreprise avaient été blessés alors qu’ils travaillaient sur un site industriel exploité par une autre société. Cette dernière société avait été poursuivie et condamnée à quatre amendes : deux amendes pour violation des dispositions du Code du travail et deux amendes pour blessures involontaires.

Pour sa défense, la société en question invoquait alors une violation du principe « ne bis in idem » en raison du cumul des qualifications de blessures volontaires et d’infractions au Code du travail. En vain.

Saisie du litige, la Cour de cassation rappelle que le cumul de plusieurs infractions relevant d’un même fait est possible si leurs incriminations ne visent pas les éléments constitutifs des autres infractions en concours !

Cour de cassation, chambre criminelle, 23 janvier 2024, pourvoi n° 23-81.091




Nullité d’un contrat d’assurance-vie pour dol : quel délai pour agir ?



Un particulier souscrit un contrat d’assurance-vie au titre duquel il verse, par l’entremise d’un courtier, une certaine somme. Cette somme, ainsi qu’un versement complémentaire effectué 15 jours plus tard, sont investis sur différents supports.

Trois ans plus tard, l’assuré assigne le courtier et l’assureur en justice aux fins de voir prononcer l’annulation de deux arbitrages et le remboursement des sommes versées sur les supports choisis.

Pour les juges, cette action, fondée sur le dol et intervenue plus de deux ans après les versements doit être jugée comme prescrite.

Mais ce n’est pas l’avis de la Cour de cassation qui censure cette décision. L'action en nullité du contrat d'assurance ou de ses avenants, fondée sur le dol de l'assureur ou de son mandataire, qui repose sur l'existence de manœuvres pratiquées avant la conclusion du contrat, ne dérive pas du contrat d'assurance et n'est donc pas soumise à la prescription biennale du Code des assurances.

Cour de cassation, 2ème chambre civile, 21 décembre 2023, pourvoi n° 22-15.768




Modification de la répartition des charges de copropriété : office du juge



Le copropriétaire d’un immeuble, qui se plaint du montant de ses charges, assigne devant la justice le syndicat des copropriétaires en annulation de la clause du règlement de copropriété organisant la répartition des charges et en remboursement des celles qu’il estime avoir indûment payées.

Les juges font droit à sa demande et ordonnent qu’une nouvelle répartition soit établie, conformément aux modifications apportées dans les parties privatives telles que mentionnées dans l'état descriptif de division depuis 1964 et au regard des critères fixés à l’article 10 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965.

Cette décision est censurée par la Cour de cassation.

Lorsqu’il relève qu'une clause contestée du règlement de copropriété relative à la répartition des charges n'est pas conforme aux dispositions légales et réglementaires, le juge doit, d'une part, non pas annuler, mais réputer cette clause non écrite et, d'autre part, procéder à une nouvelle répartition des charges en fixant lui-même toutes les modalités que le respect des dispositions d'ordre public impose.

Cour de cassation, 3ème chambre civile, 25 janvier 2024, pourvoi n° 22-22.036




De l’application de la loi du 5 juillet aux accidents qui impliquent un tramway



A cause d'une bousculade entre élèves à la sortie des classes, un collégien perd l'équilibre et fait un écart sur la voie de tramway qui longe le trottoir sur lequel il marche. Heurtant le tram qui arrive, il se blesse à la tête et au pied droit.

La société exploitant le tramway et son assureur sont alors condamnés à payer à la victime la somme de 240 618, 75 € à titre de réparation de son préjudice corporel et à ses parents la somme de 5 000 € au titre de leur préjudice d'affection.

Les intéressés contestent. En vain.

Si l’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation prévue par la loi du 5 juillet 1985 (dite loi Badinter) est applicable aux victimes d'accidents dans lesquels est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou se semi-remorques, à l'exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres, force est de constater en l’espèce, qu’à l’endroit où s’est produit le choc, la voie de tramway ne lui était pas propre en ce qu'elle n'était pas isolée du trottoir qu'elle longeait.

Cour de cassation, 2ème chambre civile, 21 décembre 2023, pourvoi n° 21-25.352



Garantie des vices cachés : l’acheteur n’est pas un professionnel



Ayant constaté l'apparition de fissures sur les murs de leur maison, les nouveaux acquéreurs de ce bien assignent en justice les vendeurs aux fins d’indemnisation de leurs préjudices sur le fondement de la garantie des vices cachés.

Pour leur défense, les vendeurs soulignent que les fissures étaient déjà apparentes lors de la vente et, qu’à ce titre, ils ne sauraient donc être tenus de les garantir. En vain.

Saisie du litige, la Cour de cassation confirme le caractère caché du vice. Force est en effet de constater que les multiples fissures ont pour origine l’inadaptation des fondations au sol d’assise et présentent, en outre, un caractère évolutif de sorte que la détection du vice supposait une période d'observation d'au moins un an.

Ainsi, même si les acquéreurs ont bien constaté, lors de visites préalables à la vente, la présence de traces de fissures, ils ne pouvaient, n’étant ni des professionnels du bâtiment, ni tenus de se faire accompagner par un homme de l’art, se convaincre du vice dans son ampleur et ses conséquences.

Cour de cassation, 3ème chambre civile, 14 septembre 2023, pourvoi n° 22-16.623




 


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